Depuis quelques années, une nouvelle fonction émerge dans les organigrammes d’entreprise : celle de Directeur/Directrice de la Transformation. Il est probable que ce poste soit apparu avec la montée en puissance de la révolution numérique, remplaçant des rôles tels que responsable de l’amélioration continue. Mais au-delà du titre, qu’est-ce qui se cache réellement derrière cette fonction, devenue cruciale pour les entreprises d’aujourd’hui ? Avec près d’une décennie à occuper ce type de poste, je vous partage dans cet article ma vision basée sur mes propres expériences et réflexions.
Une réponse aux mutations profondes de notre époque
J’entends les questions fuser : mais quoi de neuf ? Pourquoi ce poste n’existait-il pas avant ? Tout simplement parce que les organisations n’étaient pas soumises à des bouleversements aussi rapides et imprévisibles. La révolution digitale a accéléré ce besoin d’adaptation, et on cite très souvent en exemple Kodak, qui n’a pas su prendre le virage numérique.
Dans mon environnement, celui de l’aéronautique, nous avons traversé en à peine trois ans une succession de crises : la crise COVID, suivie de la crise aéronautique avec une chute des commandes, puis la crise des composants et enfin celle des talents. Ces événements ont transformé nos organisations les obligeant à pivoter et à s’adapter pour survivre. De mon côté, cette période intense m’a permis de vivre en temps réel ces mutations et d’appliquer pleinement la maxime de Samuel Beckett : « Ever tried. Ever failed. No matter. Try again. Fail again. Fail better. » J’y ai appris énormément, non seulement sur les enjeux techniques de la transformation, mais surtout sur la capacité à absorber des changements d’envergure. C’est un exemple, il y en a bien d’autres, mais ce qui est intéressant dans l’histoire telle que je l’ai vécue, c’est que le DG (Directeur Général) qui était à la tête de l’organisation que j’ai accompagné a décidé de miser sur des ressources en interne pour diriger sa transformation, avec quelques consultants ponctuellement qui ont aidé à accélérer à certains moments clés la transformation, contribuant ainsi à nous faire monter avec mon équipe en compétences
Le rôle du directeur/directrice de la transformation
Le directeur de la transformation a pour mission ainsi d’orchestrer le changement en lien avec la vision stratégique définie par le Directeur Général. Souvent, le DG a une idée claire de ce qu’il veut atteindre, mais il a la tentation d’imaginer que tout peut être réalisé en un claquement de doigts. Le rôle du directeur de la transformation est donc de structurer cette transformation comme un projet à part entière, impliquant une ambition définie, des plans d’action, des indicateurs de performance (KPIs), des analyses d’impact, et un plan de gestion du changement.
Pour mener à bien cette mission, deux compétences clés sont nécessaires : la gestion de programme et le leadership du changement. Très souvent, les directeurs de transformation que je côtoie maîtrisent l’un ou l’autre de ces aspects, en fonction de leur parcours. Ceux issus de « l’opérationnel » se concentrent davantage sur la gestion de programme, tandis que ceux issus des ressources humaines sont plus orientés vers le changement. Mais pour que la transformation ait un impact durable et génère une vraie performance globale, il est essentiel de trouver un équilibre entre ces deux dimensions.
Une passion pour l’opérationnel et l’humain
Ce qui rend ce poste passionnant, c’est l’alliance entre le côté opérationnel (le « bleu ») et l’humain (le « vert »). Ce mélange unique permet d’intervenir à tous les niveaux de l’organisation, de définir des processus tout en embarquant les équipes dans l’aventure du changement. Et bien sûr, si certaines compétences peuvent s’acquérir par la formation, l’expérience est un maître essentiel dans ce métier.
Les soft skills : au-delà des évidences
Bien entendu, un directeur de la transformation doit faire preuve de structuration, d’écoute et d’assertivité. Mais il existe deux soft skills que je considère comme primordiales, bien qu’elles ne soient pas toujours en tête des priorités : le sens du collectif et la résistance.
- La résistance, parce qu’une transformation ne s’opère pas du jour au lendemain. Il faut du temps, de la persévérance, et surtout la capacité à tenir bon face aux résistances internes, aux doutes et aux moments de découragement. Résister aux résistances, c’est croire en la vision à long terme, même quand les vents sont contraires.
- Le sens du collectif, parce qu’une transformation ne peut se décréter du haut d’une tour d’ivoire. Pour qu’elle soit durable, elle doit être co-construite avec le plus grand nombre. Bien sûr, il y a des moments où l’urgence oblige à des décisions top-down. Mais pour qu’une transformation réussie soit durable, elle doit être portée par l’intelligence collective. Et finalement, ce sont les équipes mobilisées, et non le directeur de la transformation, qui recevront les lauriers d’une réussite collective.
Pourquoi ce poste fleurit dans nos comités de direction
Le rôle de directeur de la transformation est aujourd’hui essentiel, car le changement est devenu la règle plutôt que l’exception. Les entreprises évoluent dans un environnement incertain où agilité et adaptation sont clés. Ce poste ne relève pas d’une tendance passagère, mais d’une véritable nécessité pour les organisations. À l’intersection d’opérationnel et de l’humain, ce rôle exige résilience, sens du collectif et une vision à long terme. Si les transformations sont inévitables, ce qui fait la différence, c’est la capacité à les mener avec rigueur et, surtout, en mobilisant les équipes, pour bâtir une performance durable et partagée.
Même si, demain, les entreprises, les comités de direction et les leaders auront développé des compétences avancées dans la gestion du changement au sein de leurs équipes, atteignant une forme de « transformation native », il restera toujours ce besoin d’un pilote pour guider les projets de transformation, capable de remettre en question les habitudes de l’organisation, et expert des meilleures pratiques en matière de conduite du changement.